En agriculture biologique, tout vient du sol (…)
Du sol dépend la santé des plantes, des hommes et des animaux.

Extrait interview

Claude Aubert : « Le pire ennemi de la bio, c’est la bio industrielle » (radiofrance.fr)

Deux éléments la définissent de manière négative, deux fondamentaux du cahier des charges : pas de pesticides et pas d’engrais chimique. Mais la base de la base, celle que nous ont transmises les pionniers qui ont commencé à y réfléchir dès la période de l’entre-deux-guerres, c’est le sol. Tout vient du sol. Toute agriculture digne de ce nom devrait partir de l’entretien de la fertilité du sol. D’ailleurs, ce sont ces pionniers qui ont inventé le compostage par exemple. Aujourd’hui, cette base reste fondamentale : du sol dépend la santé des plantes, des hommes et des animaux. Aujourd’hui, cela a abouti à ces règles qui peuvent apparaître un peu arbitraires : aucun pesticide chimique et  aucun engrais chimique. Le premier cahier des charges de la bio selon ces principes a été écrit par les Anglais. Il a ensuite inspiré tous les autres.

Une partie de l’agriculture biologique a été dévoyée : elle est resté biologique en regard du cahier des charges, mais elle s’est industrialisée dans ses principes*

De façon générale, l’agriculture est à un tournant majeur de son histoire : dans certains domaines de l’agriculture conventionnelle, les rendements non seulement n’augmentent plus mais commencent à baisser, les effets du réchauffement climatique sont manifestes, bref, il va falloir faire des choix. Mais la situation est compliquée. Notamment, à mon avis, parce qu’une partie de l’agriculture biologique a été dévoyée : elle est resté biologique en regard du cahier des charges, mais elle s’est industrialisée dans ses principes. En oubliant ce qui faisait la base de l’agriculture bio : une certaine rotation des cultures, de la biodiversité dans les champs, des exploitations en polyculture élevage etc. Aujourd’hui, une partie des agriculteurs bio ont adopté les schémas conventionnels (monoculture par exemple). Ce qui fait qu’elle est mal considérée par d’autres agriculteurs qui eux estiment qu’il vaut mieux, par exemple, faire une agriculture de conservation des sols (ACS), et que c’est ça l’avenir et non pas la bio.

Bref, je pense qu’aujourd’hui le pire ennemi de la bio, c’est la bio industrielle. Une agriculture certes biologique, mais pas durable.    

Il faudrait peut-être améliorer le cahier des charges de l’agriculture bio. Aujourd’hui par exemple, on n’y inclut pas la biodiversité dans les cultures. C’est totalement aberrant. À l’époque, ça ne l’était pas parce que tous les agriculteurs en bio étaient des fermes de polyculture élevage, ce qui entretenait naturellement une biodiversité. Mais lorsque cette bio a commencé à se spécialiser, tout cela a disparu. Et changer ce cahier des charges aujourd’hui pour 27 pays est loin d’être évident.  Autre problème important à mes yeux : on a fini par complètement séparer l’agriculture de son objectif premier qui est l’alimentation. Ces dernières années plusieurs scénarios ont été démontrés au niveau européen qui montrent que l’agriculture biologique peut tout à fait nourrir l’Europe, à une condition : diviser par deux notre consommation de produits animaux, et en particulier de viande. Tant qu’on aura pas compris qu’il faut changer nos habitudes alimentaires – attention je ne parle ni de végétarisme ni de véganisme, pour moi consommer de la viande de bœuf par exemple, est très important – mais tant qu’on n’aura pas compris qu’il faut arrêter de manger de la viande tous les jours, on ne pourra jamais généraliser l’agriculture biologique. Nous avons pris des habitudes alimentaires déconnectées des possibilités de nos sols. L’information commence à faire son chemin, via notamment les programmes Nutrition Santé, qui préconisent par exemple dans leur dernière mise à jour, de manger plus de céréales. Mais la majorité n’est pas encore convaincue.

Des liens pour aller plus loin

Nature et Progrès : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nature_et_Progr%C3%A8s

L’IFOAM : https://www.fnab.org/se-former-sinformer/contacts-utiles/80-ifoam-la-federation-international-des-mouvements-de-la-bio

Terre vivante : https://www.terrevivante.org/